mardi 28 avril 2009


Publié le 31 octobre 2008 à 09h20

Mis à jour le 31 octobre 2008 à 09h25


L'Escale: 30 ans à combattre la violence conjugale

La directrice de L'Escale de l'Estrie, Denise St-Pierre, a invité ses collaborateurs à la rejoindre sur scène. Elle a eu la surprise de recevoir leurs hommages et un bouquet de 15 roses, pourchacune des années passées à la tête de la maison. Elle n'a pu retenir une larme, et l'ovation a été longue.
Imacom, Jocelyn Riendeau

Marianne DandurandLa Tribune
(Sherbrooke) Ça a commencé par un retard; le couple est arrivé au Théâtre Granada, jeudi, un peu après que la soirée eut commencé. L'homme n'a pas manqué de le reprocher à sa femme, sèchement.

Laurence Jalbert a livré une performance lors de la soirée.
Imacom, Jocelyn Riendeau
Il lui a reproché de ne pas trouver la table où ils devaient s'asseoir. L'a traitée de traînée lorsqu'elle a salué un collègue. Elle avait de nouveaux vêtements pour l'occasion. Il ne les a pas aimés. «Tu me fais toujours honte», a-t-il sifflé entre ses dents. «Envoye, bouge», a-t-il répété.

L'escalade s'est poursuivie durant cinq minutes qui ont semblé une éternité. Un froid glacial a envahi la salle, où étaient attablés quelque 275 convives assistant à la scène, impuissants. Quand l'homme a saisi le bras de la femme, brusquement, la tension était à son comble.
C'est la directrice de l'Escale de l'Estrie, Denise St-Pierre, qui a pris le micro pour crier «stop» et mettre fin à cet esclandre lourd de sens. Non, personne n'a bougé avant.
C'était le souper-bénéfice de L'Escale, une maison d'hébergement pour les femmes victimes de violence conjugale. Les acteurs avaient les projecteurs braqués sur eux, et portaient un micro-casque.
Mais les quelques rires du début ont été vite écrasés par le poids du spectacle. «Il n'y a pas de manière douce, légère, de parler de violence conjugale. C'est un sujet profondément dérangeant», a souligné Mme St-Pierre, en demandant aux convives de recommencer à respirer.
«Il y a peut-être des femmes qui ont vécu ça dans l'auto en venant ce soir (jeudi)», a-t-elle ajouté. Les statistiques disent que c'est une femme sur six, au Canada, qui a vécu au moins un épisode de violence conjugale dans sa vie. Vingt-cinq femmes dans la salle, a illustré Mme St-Pierre. Ça passe à une femme sur quatre quand on ajoute les victimes d'inceste et de harcèlement au travail.


Au cours de ses 30 années d'existence - L'Escale a été la deuxième maison du genre fondée au Québec, et il y en a maintenant 107 _, l'organisme a accueilli plus de 10 000 femmes, en comptant celles qui ont obtenu du soutien sans y être hébergées.
Les trois activités de financement de l'année ont permis d'amasser quelque 30 000 $ jusqu'à présent. Mais hier, l'objectif premier était de plonger les gens dans un moment de réflexion.
«Je pensais spontanément que le combat contre la violence était avant tout un combat des femmes contre les hommes, a indiqué dans son allocution la présidente d'honneur de l'événement, Louise Boisvert, présidente et éditrice de La Tribune. (...) Je pense aujourd'hui que le combat contre la violence est avant tout un combat contre le silence.»
Assise dans la salle, la directrice générale du CHUS, Patricia Gauthier, a rappelé à quel point la mission de L'Escale était interreliée à celle des soins de santé. Si les intervenants peuvent facilement reconnaître les femmes victimes de violence conjugale, «elles ont toutefois besoin d'être écoutées, réconfortées, et on peut difficilement le faire. C'est pour ça qu'il faut contribuer à cette cause oubliée et difficile à financer».


Du blues


Bien que la soirée visait à célébrer les 30 ans de L'Escale, elle n'a jamais pris un air réellement festif. «On voulait vous faire vivre quelque chose de spécial», a rappelé Louise Boisvert. Quelque chose qui restait dans les tripes, une saveur de blues vibrant.


Sur scène, Laurence Jalbert, Bob Walsh, Lou Simon, Guy Bélanger et Carole Vincelette ont livré des performances à donner des frissons, rappelant l'amour et sa douleur.
Carole Vincelette a ouvert le bal au piano avec Chanson pour Marie, de Nicola Ciccone, et a enchaîné avec Crazy, de Patsy Cline.


L'ambiance blues a continué lorsque Laurence Jalbert, vibrante, a poursuivi avec des succès comme Les anges dansent, Des filles comme moi, Comme tu me l'as demandé et Évidemment. Émue et sincère, elle a touché les spectateurs, qui lui ont offert une longue ovation.
Et c'est au son de What a Wonderful World, tous les artistes sur scène, que la soirée s'est terminée. Pour ouvrir des portes sur l'espoir.